Voyage de Mémoire 80ème Anniversaire de la Libération des camps

2 au 5 mai 2025 à NEUENGAMME

Magnifique discours d'une grande importance dans la conjoncture actuelle 

Je retrouve tout à fait l'esprit des discutions que j'ai pu avoir avec des personnes lors de la marche mémorielle (que vous pouvez lire plus bas)

 

Discours d’Olaf Scholz
Chancelier de la République Fédérale d’Allemagne

3 mai 2025 - Neuengamme

Cérémonie commémorative à l’occasion du 80e anniversaire de la fin de la guerre et de la libération des camps de concentration

 

Chère Mme Melmed, nous sommes honorés de vous avoir parmi nous aujourd’hui,

Monsieur le Maire, cher Peter,

Cher Monsieur von Wrochem,

Chère Mme Letterie,

Mesdames et Messieurs!

 

Lorsque la Seconde Guerre mondiale prit fin pour la plupart des habitants de Hambourg, il y a 80 ans aujourd'hui, avec la reddition sans combat de la ville gravement dévastée, il ne restait plus personne à libérer, ici, à Neuengamme. Les troupes britanniques qui atteignirent le camp le 4 mai le trouvèrent désert. Les traces des crimes commis ici avaient été soigneusement effacées. Les nazis et leurs complices voulaient cacher les crimes contre l’Humanité commis ici. Les intervenants qui m’ont précédé en ont déjà parlé.

 Les détenus survivants avaient auparavant été contraints de participer à des marches de la mort ou déportés à Bergen-Belsen, Sandbostel ou Wöbbelin. Plus de 9 000 femmes et hommes furent également entassés dans des paquebots désespérément surpeuplés dans la baie de Lübeck.

C'est l'un des derniers et en même temps l'un des chapitres les plus tragiques de la conflagration mondiale déclenchée par l'Allemagne : deux des navires ont pris feu et ont finalement coulé le 3 mai du fait d'attaques aériennes par erreur de la Royal Air Force. Le jour de la libération de Hambourg, près de 7 000 prisonniers de Neuengamme moururent dans la baie de Lübeck. Ils ont brûlé, se sont noyés ou ont été abattus alors qu'ils tentaient de se sauver.

 Lorsque nous nous souvenons aujourd’hui du 3 mai 1945, nous nous souvenons des plus de 42 900 personnes qui ont perdu la vie dans le camp de Neuengamme, dans ses Kommandos, lors des marches de la mort et dans la baie de Lübeck ; nous nous souvenons de ceux qui ont été battus à mort, pendus, abattus ou tués par gaz toxique, qui sont morts de faim ou qui sont morts par manque de soins médicaux.

 Nous nous souvenons des six millions de femmes, d’hommes et d’enfants de confession juive qui ont été victimes de la Shoah, ce crime contre l’Humanité commis par les Allemands.

Nous avons une promesse durable à leur faire : plus jamais !

Nous nous souvenons des femmes et des hommes de toute l’Europe qui ont été contraints d’effectuer un travail d’esclave dans des conditions meurtrières pour l’économie de guerre : comme ici à Neuengamme et dans ses plus de 85 camps satellites – dans la production de briques, pour rendre l’ Elbe navigable, dans les carrières d’argile ou dans la production d’armement.

ls faisaient partie des plus de 20 millions de travailleurs forcés dans presque tous les domaines de la vie publique et de l’économie du Reich allemand et des territoires occupés.

20 millions - c’est un chiffre monstrueux !

20 millions – ce chiffre rend absurde tout argument du type « nous ne savions rien ». Les crimes nazis ont eu lieu sous les yeux de tous, ici aussi à Hambourg.

 Il est d’autant plus douloureux de constater à quel point l’histoire de ce lieu [Neuengamme] a été traitée de manière si irrespectueuse pendant une si longue période, comme ce fut le cas avec son utilisation ultérieure comme prison.

Le camp de concentration pesait « comme une malédiction sur la conscience, l’honneur et la réputation de Hambourg », comme l’ont exprimé les autorités pénitentiaires de Hambourg dans une lettre adressée au Sénat en 1947. Son utilisation comme établissement pénitentiaire offrait l’occasion d’« effacer » ce souvenir.

 Ce sont des mots qui font frémir.

Mais ils montrent que non seulement à Hambourg, mais dans de nombreux endroits en Allemagne, la culpabilité et le crime ont été effacés de la mémoire, réprimés et oubliés dans les années d'après-guerre.

Heureusement, il y a eu et il y a encore des femmes et des hommes qui s’opposent à la tentative d’effacer, de supprimer et d’oublier cette culpabilité et ces crimes, qui maintiennent vivante la mémoire des victimes.

Le fait qu'aujourd'hui non seulement un mémorial mais aussi un lieu d'exposition, de rencontre et d'étude pour les jeunes ait été créé ici est le fruit du travail de beaucoup de personnes. C’est le résultat de leur lutte, dont certaines durent depuis des décennies, malgré une forte réticence.

 Les efforts de la fédération d’anciens détenus et de leurs familles, l’Amicale Internationale de Neuengamme – un mouvement paneuropéen pour la défense de la dignité des victimes depuis sa fondation dans les années 1950 – qui se bat contre l’oubli et contre tout relativisme historique, ont joué et continuent à jouer un rôle majeur, ici.

Je suis profondément touché de voir combien d’entre vous sont venus d’un peu partout, ici à Hambourg aujourd’hui, 80 ans plus tard – de France, d’Espagne, de Belgique, des Pays-Bas, du Danemark, de Pologne, d’Ukraine, d’Israël et d’autres pays.

Vous êtes venus pour, ensemble, vous souvenir avec nous.

Pour cela, je veux vous remercier du plus profond de mon cœur !

 Se souvenir signifie apprendre du passé.

C’est pourquoi nous ne devons jamais cesser de nous souvenir, car nous avons besoin des leçons que nous en tirons – à la fois pour aujourd’hui et pour le futur !

L’une des leçons les plus importantes de la guerre déclenchée par les Allemands, de la tyrannie nazie, du meurtre de millions de femmes, d’enfants et d’hommes innocents, est notre profonde conviction que notre continent, que nous, Européens, devons laisser une bonne fois pour toutes la guerre entre nos peuples derrière nous.

Il est d’autant plus tragique que le président russe ait ramené la guerre en Europe et avec elle l’intention mortelle de déplacer les frontières par la force.

Nous ne devons pas et nous n’accepterons pas cela.

 Lorsque j'ai eu le privilège de prononcer un discours ici à Neuengamme il y a dix ans, j'ai cité Pierre Sudreau, survivant de Buchenwald et qui fut ensuite ministre français de l'Éducation.

Ses mots sont restés gravés dans ma mémoire jusqu’à ce jour.

Il disait ceci : « Dans les camps de concentration, je suis devenu un Européen. »

 Mesdames et Messieurs,

Ces mots expriment un grand héritage, et un appel – adressé d’abord et avant tout à mon pays, l’Allemagne.

Un appel à protéger, défendre et préserver notre Europe unie, et qui continue à se rapprocher.

Cette Europe est, après tout, une alternative vivante et respirante aux horreurs meurtrières de la guerre.

Les valeurs sur lesquelles notre Europe est construite – la liberté, la démocratie, l’état de droit – sont incompatibles avec l’impérialisme belliqueux, avec la pensée en termes de sphères d’influence, avec le mépris du droit international.

Il n’est donc pas étonnant que les autocrates, les extrémistes et les populistes du monde entier, y compris dans nos propres pays, veuillent attaquer et détruire cette Europe pacifique et unie.

Nous ne pouvons pas permettre que cela se produise.

De tous les pays, l’Allemagne en particulier ne peut pas permettre que cela se produise.

Car nous devons être conscients des abimes dans lesquelles mènent l’impérialisme, la privation de droits et la haine raciale.

 Mesdames et Messieurs,

Neuengamme est un lieu de terreur, un lieu de culpabilité et de responsabilité durable de l’Allemagne.

Mais en nous réunissant ici, en participant ensemble ici à ces commémorations, nous envoyons un signal que les profondes divisions de la guerre et des siècles d’hostilité peuvent être surmontées.

Dans une Europe de réconciliation, de liberté et démocratique.

Dans des sociétés qui combattent l’antisémitisme et le racisme.

Et qui protègent la dignité humaine – la dignité de chaque être humain.

 

Merci beaucoup.

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